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Théâtre de l'Opéra-Comique. Ouverture. Zampa

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THÉÂTRE DE L’OPÉRA-COMIQUE.
Ouverture.– Zampa, ou la Fiancée de marbre, opéra en trois actes, paroles de M. Mélesville, musique de M. Hérold. – La salle. – L’orchestre. – Les chœurs. – La pièce nouvelle. – La musique. – Les acteurs. – La mise en scène.

Une administration nouvelle, un orchestre et des chœurs nouveaux, une pièce nouvelle, dont le titre était fait pour piquer la curiosité publique, l’espoir d’un succès productif, enfin une régénération complète d’un théâtre tout national, voilà ce que le public était appelé à juger mardi dernier : aussi les abords de la salle de l’Opéra-Comique ne présentaient-ils plus cet aspect d’isolement et de désolation qui, depuis plus d’un an, en éloignait les gens les plus avides de spectacle, ceux mêmes pour qui ce plaisir est un besoin. Chose étonnante pour les acteurs et les employés du théâtre, il y avait foule dans la rue Monsigny, et déjà la salle était pleine ! Un pressentiment de bon augure y avait dirigé les artistes, les amateurs et les […]ifs de toutes les classes.

Et d’abord, un changement notable a frappé tous les yeux. La place destinée aux musiciens n’est plus ce long, étroit et incommode boyau qu’ils occupaient autrefois. Au large emplacement qui lui est destiné, il est évident que l’armée symphonique est devenue beaucoup plus nombreuse, et cela donne à penser qu’elle pourra être meilleure qu’autrefois, ce qui, certes, n’est pas difficile. L’orchestre payant, comme on dit en langage de théâtre, ou si l’on veut le parquet, a entièrement disparu pour faire place au renfort de contrebasses, de trombones et d’ophicléides. Au lieu de la cave où les instrumentistes voyaient s’absorber le son de leurs instrumens, une estrade s’élève pour rendre plus facile la communication acoustique. La scène, exhaussée et avancée de plusieurs pieds dans la salle, met en communication plus directe les voix des chanteurs avec l’ouïe des spectateurs ; enfin il est évident, au premier coup-d’œil, que des améliorations matérielles ont été faites pendant la clôture, et cela donne bon espoir pour le reste.

L’ouverture commence, et, dès les premiers accords, chacun est frappé par la métamorphose. Au lieu de ces maigres violons qui faisaient regretter aux étrangers les orchestres des guinguettes de l’Allemagne, au lieu de ces instrumens à vent qui cheminaient dans un perpétuel désaccord, on en tend une masse imposante, formidable, obéissant avec intelligence aux inspirations de son habile chef, M. Valentino, nouvelle acquisition faite aux dépens de l’Opéra ; enfin la métamorphose est complète. l’orchestre de l’Opéra-Comique est devenu l’un des meilleurs de Paris, du plus mauvais qu’il était. Dans une ouverture hérissée de difficultés excessives, la supériorité de cet orchestre se déploie avec tant d’avantages, qu’un mouvement général d’enthousiasme éclate de toutes parts en applaudissemens qui ne ressemblent point à ceux dont messieurs les chevaliers du lustre règlent ordinairement le tarif. Un murmure, plus flatteur que les applaudissemens les plus bruyans, se répand d’ailleurs dans la salle et prouve à la fois aux musiciens l’étonnement du public et la satisfaction qu’il éprouve.

Chanter faux était de tradition à l’Opéra-Comique ; nul ne dérogeait à cet usage ; les choristes surtout s’y conformaient scrupuleusement. Les choses sont encore changées sur ce point. Un premier chœur de femmes, chœur rempli de grâce dans la mélodie et de détails piquans dans l’accompagnement, a été chanté avec une justesse irréprochable ; le rythme en était bon, les nuances de fort et de deux parfaitement rendues. Le chœur des hommes, renouvelé en partie et fort augmenté, est venu s’y joindre, et a complété l’étonnement par la précision de son exécution. L’espoir que cet échantillon avait fait naître ne s’est point démenti pendant le reste de la représentation.

Zampa est un titre comme un autre ; titre insignifiant et qui ne révèle rien à l’esprit ; mais la Fiancée de Marbre ! parlez-moi de celui-là ! On sent qu’il y a quelque mystère là-dessous, et c’est du mystère qu’il faut au théâtre. On comprend aussi, dès l’abord, qu’il s’agit de quelque diablerie, et la diablerie n’est point en défaveur dans notre siècle. La Fiancée de Marbre, donc, mettait d’avance en émoi la curiosité de plus d’un spectateur : le sujet et la conduite de la pièce ont soutenu jusqu’à la fin l’intérêt que le titre avait fait naître.

Zampa, fameux pirate qui désole les bords du royaume de Naples et de la Sicile, est enfin tombé entre les mains de la justice, et sa sentence lui a été prononcée : il doit être pendu. Toutefois, il est homme à se tirer encore de prison, comme il en a trouvé vingt fois le moyen, et, par précaution, son signalement a été envoyé aux commandans des troupes de tout le royaume. Alphonse de… ; ma foi, j’ai oublié son nom ; Alphonse donc, n’ayant pour tout bien que son épée de capitaine, son amour pour la fille d’un riche négociant, et la noblesse du nom de ses aïeux, a reçu une expédition de ce signalement. Ce jeune homme doit épouser Camille le jour même, et les fêtes de la noce se préparent avec une magnificence digne des richesses du père de la future. Le peuple se prépare à se bien réjouir ; il dansera à la noce, et il verra pendre Zampa, deux plaisirs presque aussi vifs l’un que l’autre pour lui. Mais le diable est bien fin, et il empêche souvent les choses d’aller comme on le voudrait. Après avoir brisé ses chaînes, attiré le père de Camille sur sa galère capitane, pour l’y retenir captif, et fait tomber Alphonse dans une embuscade, le terrible Zampa, qui est d’ailleurs un homme de bonne mine, s’introduit dans le château où se préparent les fiançailles, et rompt tout à coup le mariage projeté en remettant à Camille une lettre de son père, qui l’instruit de son sort, et qui la conjure de mettre un terme à sa captivité en accordant au pirate tout ce qu’il exigera. On pense bien qu’elle offre à l’instant tous les trésors qu’elle possède ; mais ce ne sont point des richesses qui tentent Zampa ; la fortune ne lui a rien laissé à désirer sous ce rapport. C’est elle-même qu’il désire ; c’est elle dont il demande la main pour prix de la rançon de son père. Qu’on juge de la douleur de Camille ! Renoncer à celui qu’elle aime, et y renoncer pour devenir l’épouse d’un scélérat, d’un homme proscrit et déshonoré !

Zampa n’est pourtant pas un homme d’une classe vulgaire : fils du comte de *** et frère d’Alphonses, qu’il ne connaît pas, il eut une jeunesse orageuse, et finit par se lier avec des hommes perdus de crimes et de débauches qui l’ont entraîné dans la funeste carrière qu’il a embrassée. Dans sa jeunesse, il a aimé une jeune fille de noble famille, nommée Alice de Manfredi, et l’a abandonnée après l’avoir séduite. Ayant long-temps attendu vainement son retour, cette pauvre fille est morte dans le château où Camille vit retirée, et a laissé parmi les habitans un tendre souvenir de ses vertus et de la bonté de son cœur. Un tombeau et une statue lui ont été érigés, et les paysans adressent souvent des prières à son image.

Camille s’est retirée dans son appartement, laissant Zampa maître du château, dont il dispose en y introduisant ses compagnons et en ordonnant qu’on lui serve à souper. Une orgie commence, et le vin coule à grands flots dans les coupes. Daniel, l’un des compagnons du corsaire, brigand superstitieux comme il s’en trouve beaucoup en Italie, s’effraie des blasphèmes qu’il entend proférer, et se prosterne aux pieds de la statue d’une sainte pour obtenir son intercession. Tout à coup il examine les traits de la statue, y reconnaît ceux d’Alice, pousse un cri et se réfugie près de Zampa. Celui-ci se moque de sa frayeur ; et, pour lui prouver combien peu il est troublé par cette rencontre, il passe un anneau au doigt de la statue, en disant qu’il la prend pour sa fiancée jusqu’au lendemain. Les compagnons applaudissent ; Zampa veut reprendre sr bague, mais la statue étend vers lui son bras et ferme la main. Cet événement jette la terreur parmi les brigands, qui se dispersent.

Cependant Alphonse s’est échappé des mains de ceux qui le retenaient prisonnier. Il vient d’apprendre le manque de foi de Camille ; elle donne sa main à Zampa. Alphonse veut connaître la cause d’un changement si subit ; mais elle s’obstine à garder le silence. Frappé d’un souvenir confus en apercevant son rival, il jette les yeux sur le signalement dont il est dépositaire, et bientôt il ne doute plus que le corsaire ne soit devant lui. Celui-ci nie d’abord ; mais on vient d’arrêter un de ses compagnons porteur d’une lettre du vice-roi : Zampa triomphe. Il a fait sa soumission au prince, qui, connaissant ses talens et sa bravoure, lui accorde sa grâce et le prend à son service. Furieux, Alphonse brise son épée et s’éloigne. Le temple s’ouvre, et un prêtre bénit l’union de Camille et de Zampa ; mais, au moment où celui-ci passe l’anneau nuptial au doigt de sa nouvelle épouse, la statue paraît menaçante, et lui cause un trouble dont il ne peut se défendre.

Camille s’est retirée dans son appartement. Alphonse, qui vient d’apprendre les motifs qui l’ont déterminée à se sacrifier, veut la sauver, et s’introduit près d’elle ; mais bientôt il est surpris par son frère, et les compagnons de celui-ci le saisissent et l’entraînent loin de celle qu’il aime. Camille supplie Zampa de lui permettre de se retirer dans un couvent ; mais ce n’est pas pour ce dénouement que le pirate a voulu la posséder. Il est inexorable : le danger devient pressant ; Camille, pour échapper à sa poursuite, se réfugie dans une alcôve ; il s’y précipite après elle ; mais, au lieu de son épouse, c’est la statue, c’est la Fiancée de marbre qu’il y trouve, et qui s’abîme avec lui dans les enfers.

Il y a de l’art dans la conduite de cette pièce et dans les préparations délicates des choses périlleuses du sujet. L’auteur n’a pu éviter que sa statue ne rappelât celle du Festin de Pierre. À cela près, et mettant de côté l’invraisemblance du sujet, on trouve de l’intérêt dans l’ouvrage.

La musique est une composition plus largement conçue, plus hardi que tout ce qu’on a entendu depuis long-temps au théâtre de l’Opéra-Comique. L’instrumentation, peut-être un peu trop bruyante, est remplie d’effets neufs et variés. Les intentions dramatiques y ont de la force, et sont bien appropriées au sujet. Les morceaux du deuxième et du troisième actes sont surtout empreints d’une couleur mystérieuse de l’effet le plus heureux. L’introduction, un charmant quatuor du premier acte, où les formes canoniques sont employées d’une manière nouvelle, un bel air de Chollet au second acte ; un duo très-piquant chanté par madame Boulanger et Féréol, duo dans lequel il est regrettable que M. Hérold n’ait pas fait redire la phrase délicieuse du commencement ; un finale magnifique de ce même deuxième acte, où se trouvent des effets nouveaux de musique d’église, et une phrase très-originale chantée par madame Casimir ; enfin un duo d’une grande et forte expression au troisième acte, et de beaux chœurs : voilà ce qu’on remarque dans cette partition, qui place M. Hérold sur la ligne des compositeurs qui font le plus d’honneur à la France.

Chollet et madame Casimir ont chanté leur rôle d’une manière satisfaisante ; Féréol et madame Boulanger ont joué en acteurs expérimentés : le rôle de Moreau-Sainti est peu important.

Nous ne devons pas oublier la mise en scène, qui cette fois est disposée avec l’intelligence et le goût qui distinguent M. Solomé. Cette partie importante de l’effet dramatique était autrefois complètement négligée à l’Opéra-Comique. Les décorations font honneur au talent de M. Gué.

La première représentation de Zampa fera époque dans les annales de l’Opéra-Comique. Elle marque le commencement d’une ère de régénération à laquelle M. Lubbert attachera son nom ; avoir tiré ce spectacle du discrédit où il était tombé, en faire disparaître les causes de marasme qui le conduisaient à sa perte, est une gloire qui lui était réservée, et qui sera enviée par tous les directeurs. 

Related persons

Composer

Ferdinand HÉROLD

(1791 - 1833)

Librettist

MÉLESVILLE

(1787 - 1865)

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