Bizet et les salons parisiens

Loin des représentations publiques où le Tout-Paris exerça ses talents critiques sur ses oeuvres, Bizet s’adonna à une sociabilité mondaine, où les réseaux qu’il tissa ne tardèrent pas à guider considérablement sa carrière. Si l’on en croit Marmontel, qui fut son professeur au Conservatoire de Paris, puis l’un de ses mentors les plus proches, le compositeur était doté « d’un esprit fin et primesautier, il brillait dans les causeries intimes par les réparties amusantes, originales, et aussi par les réflexions pleines de sens et les mots heureux ». Compagnon artistique généreux, convive agréable, invité de marque, Bizet se fit progressivement une place de choix au sein de la vie salonnière parisienne. Plus que d’être le terrain d’activités mondaines et probablement intéressées, les salons représentèrent le lieu de création, d’émulation et d’épanouissement d’une vie et d’une oeuvre parallèle à celle que nous lui connaissons. « Sous une apparence froide, le coeur du vaillant compositeur battait vite et fort », poursuivait Marmontel, laissant à entendre l’entier engagement de Bizet pour l’art qui était le sien. C’est avec la même intégrité, mais avec plus de modération, qu’il s’engouffra dans cette sociabilité dont il savait critiquer les apparences et les faux-semblants, tout en profitant de ce qu’elle pouvait lui apporter pour accéder à ses ambitions lyriques.