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Le cléricalisme au théâtre

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LE CLÉRICALISME AU THÉÂTRE

Voici le dernier exploit des cléricaux :

Le théâtre national de l’Opéra-Comique, subventionné par l’État républicain, représente en ce moment une œuvre musicale qui a pour titre la Carmélite et met en scène la première favorite du Roi-Soleil, Mlle de La Vallière. Au dernier acte, la scène représente une prise d’habit au Mont-Carmel. Tout le monde s’accorde à dire que la reproduction est fidèle, que la cérémonie n’est l’objet d’aucune charge ni raillerie.
Cependant les cléricaux ont hurlé. Pourquoi ? C’est un des leurs qui va nous le dire :

« Si nous sommes aujourd’hui plus susceptibles, c’est que l’Église est persécutée, et parce que la soutane et le froc sont l’objet des risées et des outrages. »

Alors, obéissant aux injonctions de la presse noire ou jaune, le directeur de Opéra-Comique a coupé la scène tout entière.

Cet acte de cléricalisme ne saurait se justifier ni par les nécessités de l’ordre, ni par les précédents.

Le public de l’Opéra-Comique n’avait pas protesté lors de la première représentation, et cela : parce qu’il en a vu d’autres, que les moines et les nonnes sont mis à la scène dans nombre d’œuvres musicales et littéraires.

Pourquoi donc le directeur de l’Opéra-Comique, M. Albert Carré, l’inspecteur des théâtres subventionnés, M. Bernheim, et le directeur des beaux-arts, l’ineffable M. Roujon, ont-ils cédé aux injonctions de la presse nationaliste et cléricale ? Pourquoi, si ce n’est pour faire une manifestation politique ?

Ainsi se trouve prise sur le fait la tendance « bien pensantes » et cléricale de nos hauts fonctionnaires. L’incapable M. Roujon, qui ne s’était déguisé en libre-penseur que pour parvenir, est un clérical ; M. Bernheim et M. Albert Carré savent à merveille qu’il est de bon ton de se montrer respectueux du cléricalisme, et ils s’empressent de déférer aux ordres de la presse bondieusarde.

Qu’ils le veuillent ou non, cela s’appelle faire de la politique. Et puisqu’ils ont commencé, nous continuerons.

Certes peu nous chaut qu’on représente sur les scènes parisiennes des cérémonies liturgiques. Reproduire, en les entourant de musique et de littérature, les grossières mascarades religieuses, c’est encore faire trop d’honneur aux religions.

Mais nous ne payons pas des fonctionnaires et nous ne subventionnons pas des directeurs de théâtre pour qu’ils se livrent sans motif plausible à des manifestations cléricales. Quand viendra en discussion devant la Chambre le budget des beaux-arts, nous exigerons qu’on casse aux gages le clérical Roujon et son acolyte Bernheim, et nous demanderons qu’on ne subventionne que des directeurs républicains.

L’art n’a pas d’opinion ; c’était la vérité d’hier. Mais puisqu’il a plu à l’art de se faire clérical, nous garderons désormais notre argent.

Personnes en lien

Chef d'orchestre, Compositeur

Reynaldo HAHN

(1874 - 1947)

Œuvres en lien

La Carmélite

Reynaldo HAHN

/

Catulle MENDÈS

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date de publication : 17/03/25