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La Méprise de Gail

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THÉÂTRE DE L’OPÉRA-COMIQUE.
Première représentation de la Méprise.

L’auteur de cet opéra, qui est un homme de beaucoup d’esprit, ne pouvait pas mieux réussir à faire une méprise. Si ce que je dis de lui est un moyen pour qu’on le devine, sa pièce en est un infaillible pour déconcerter toutes les idées et détourner toutes les présomptions ; pour tous ceux qui l’ont vue, son incognitoest assuré. J’entendais même hier, après la représentation, un grand nombre de personnes nommer hautement diffères auteurs qui n’ont assurément aucun rapport avec celui de la pièce nouvelle, et qui d’ailleurs n’ont jamais fait de méprise. Il n’y a, disait-on, dans celle pièce ni caractère, ni situations, ni intrigue ; à part quelques mots et la moitié d’une scène, le style et la vérification en sont d’une nullité absolue ; elle doit être nécessairement de M. tel ou tel... Je me garde bien de citer aucun des prévenus signalés dans ces différens actes d’accusation. parce que le public, qui se trompait tant sur la vérité, n’avait que trop raison sur la vraisemblance. Qu’il est injuste dans ses soupçons ce frivole public ! et que les mauvais auteurs sont à plaindre ! ! Un homme de talent veut faire un tour de force, il essaie de composer un ouvrage sans l’emploi du sens commun ; que risque-t-il ? D’abord il réussit quelquefois, et s’il ne réussit pas, il s’échappe à travers l’anonyme, et laisse tomber le soupçon des iniquités qu’il a commises sur de pauvres diables qui n’en peuvent mais, et qu’il est d’autant moins généreux d’accabler, qu’ils n’ont pas la ressource des représailles.

Comme je partage tout à fait sur la pièce nouvelle l’opinion des personnes dont je viens de parler, je me dispenserai de faire l’analyse d’un ouvrage qui n’en est presque pas susceptible. Je ne vois d’ailleurs aucun intérêt pour l’art à appesantir la férule de la critique sur une bluette qui n’a pas plus de prétention que de mérite, et je trouve une bien grande satisfaction à priver les faibles du plaisir de voir supplicier un auteur célèbre par des succès importans et mérités.

La musique est au niveau des paroles ; ce qui ne donne pas le droit de dire que les deux auteurs sont du même genre. Il est bien difficile, au surplus, qu’un poëme absolument nul inspire des chants élevés. À très-peu d’exceptions près, dont Grétry et Sachini presque seuls nous ont donné des exemples, on doit considérer la musique comme la traduction des paroles, et l’on ne conçoit guère comment le changement d’idiome peut donner de la force et de l’éclat à une composition dont l’original est faible et sans couleur. Je pourrais citer à l’aimable auteur de cette musique plusieurs traductions d’une toute autre nature, auxquelles il ne saurait refuser un tendre intérêt, et dont la médiocrité n’a pas pour excuse la faiblesse de l’original. L’auteur de la Méprise est trop galant pour ne pas faire volontiers un léger sacrifice d’amour-propre à la justification d’une personne avec laquelle il a dû s’associer avec tant de plaisir : dans une réunion de cette nature, ce n’est pas à l’amour propre qu’il est permis de songer.

Après la Méprise, on a donné le Tableau parlant, opéra dans lequel Elleviou a laissé tant de souvenirs, et où mad. Boulanger a justifié tant d’espérances. C’est Huet qui aujourd’hui remplit le rôle de Pierrot.

R. 

Personnes en lien

Compositrice

Sophie GAIL

(1775 - 1819)

Œuvres en lien

La Méprise

Sophie GAIL

/

Auguste CREUZÉ DE LESSER

Permalien

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date de publication : 21/09/23