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Théâtre-Italien. Fausto

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Théâtre-Italien. 
Fausto
opéra en trois actes, musique de Mlle B***.

Répété l’année dernière, mais non représenté par diverses circonstances, Fausto s’est enfin produit sur la scène le 7 mars dernier, et y a été reçu avec la bienveillance qui était due à une composition si importante sortie de la plume d’une jeune personne.

Le sujet de Faust, très musical au premier aspect, offre cependant de grandes difficultés à cause de l’uniformité de style qui doit résulter de la présence fréquente en scène du personnage surnaturel de Méphistophélès. Il n’y avait qu’un talent supérieur et très expérimenté qui eût pu triompher de cet obstacle ; et je me hâte de déclarer que la partie faible de l’ouvrage de Mlle B*** est précisément la variété de coloris. Chaque scène, prise à part est bien conçue ; mais la suite de ces scènes n’est pas exempte de quelque monotonie. Au reste, ce défaut est racheté par un heureux instinct musical et dramatique, qui s’est développé avec énergie dans plusieurs situations fortes et bien senties. Une autre qualité non moins remarquable brille dans la musique de Faust : c’est l’originalité des idées ; mérite assez rare dans la pratique de tous les arts. Sous ce rapport Mlle B*** paraît suivre une route analogue à celle de M. Berlioz, sauf la différence qui doit se trouver entre les productions d’une jeune personne qui essaie ses facultés d’artiste, et les travaux d’un homme qui dès longtemps s’est voué à l’étude de son art. Tous deux sentent avec force et expriment de même ; tous deux veulent produire des choses neuves ; mais ce n’est pas par le côté gracieux de la musique qu’ils veulent se distinguer, et les pensées énergiques ont plus d’attrait pour eux que la pure et simple mélodie. Il y a plus d’une voie ouverte dans les arts ; toutefois il ne faut pas oublier que si la musique doit remuer les passions, elle doit aussi charmer l’oreille.

Ce n’est pas qu’il n’y ait des phrases gracieuses répandues çà et là dans le nouvel opéra ; mais elles ne produisent pas tout l’effet qu’on pourrait en attendre parce que, en général, elles manquent de préparation, d’encadrement. Quelques rhythmes irréguliers y produisent un bon effet ; néanmoins plusieurs mélodies, dont le sentiment est bon, n’atteignent pas au but que l’auteur s’est proposé, parce qu’il y manque une ou deux mesures qui leur auraient donné ce que les musiciens appellent la carrure des phrases.

Quant à l’harmonie, elle est comme le chant, comme l’instrumentation, pleine d’effets bien sentis, de successions heureuses et neuves, et de temps en temps il s’y est glissé des incorrections, des étrangetés qui dénotent de la négligence, de la précipitation, singulières anomalies d’un travail qui paraît avoir été fait avec soin.

Une introduction, où l’on remarque un chœur religieux d’un fort beau caractère qui s’unit bien avec la scène principale, un trio dont l’ensemble renferme une belle phrase bien ramenée, et un finale rempli de choses fort originales et parfois assez bizarres, voilà ce qu’on remarque au premier acte. Un air, deux duos, et la première partie d’un quatuor se sont fait vivement applaudir dans le second. Il n’y a que deux scènes principales au troisième ; la dernière est fort belle. On y remarque vers la fin un double chœur d’anges et de démons, dont l’opposition est d’un fort bel effet.

En somme, Fausto, malgré ses défauts, est une composition remarquable et qui donne des espérances pour l’avenir de Mlle B***. Ce que la nature lui a donné, elle ne peut le perdre, et elle acquerra ce que donnent l’expérience et la pratique de l’art.

On aurait pu désirer plus d’ensemble et de fini dans l’exécution de cet opéra ; mais Mme Méric-Lalande a fait preuve du plus beau talent dans son rôle de Marguerite, et particulièrement dans la dernière scène, où elle a été un instant sublime. Le public l’a applaudie avec transport.

La toile baissée, on a demandé l’auteur à grands cris ; le régisseur est venu annoncer qu’il désirait garder l’anonyme.

Personnes en lien

Compositeur, Journaliste

François-Joseph FÉTIS

(1784 - 1871)

Compositrice

Louise BERTIN

(1805 - 1877)

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Fausto

Louise BERTIN

/

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date de publication : 19/10/23