Séance publique de l'Institut. Distribution des prix
Séance publique de l’Institut. Distribution des prix.
[…] Nous ne parlerons pas des prix de peinture et autres qui ont été distribués conjointement avec celui de composition musicale. Ce dernier, dont nous allons nous occuper exclusivement, a été remporté par M. Xavier Boisselot, né à Montpellier, âgé de vingt-quatre ans, élève de M. Lesueur. Le second grand prix a été décerné à M. Louis Besozzi, né à Versailles, âgé de vingt-et-un ans, également élève de M. Lesueur. Suivant l’usage, la cantate du premier prix a seule été exécutée. C’est un ouvrage remarquable sous plus d’un rapport. L’auteur a su y développer un grand talent dans l’art de disposer les masses instrumentales ; en employant toutes les richesses de l’orchestre sans couvrir le chanteur et sans trop détourner l’attention de son objet véritable, la partie vocale. Son style, en général, est franc et distingué ; on n’y rencontre jamais de formules triviales ; ses harmonies ne manquent point de clarté, malgré une assez grande variété dans le choix des accords, et ses basses sont quelquefois dessinées avec une extrême vigueur. L’introduction contient plusieurs effets pittoresques d’un goût excellent. Je n’ai pas conservé de l’andante un souvenir bien net ; j’aurais besoin de l’entendre encore pour l’apprécier. Le dernier air, au contraire, m’a paru plein de verve et dramatiquement conçu ; aussi a-t-il été chaudement applaudi, et c’était justice. Ponchard l’a exécuté avec un rare talent ; toutefois il faut dire que le rôle, écrit pour une voix de femme, perdait beaucoup à être ainsi baissé d’une octave, et que certaines phrases eussent été bien autrement mises en lumière par un soprano vibrant et timbré, comme celui de mademoiselle Falcon. En outre, le sujet même de la cantate (Velleda) l’exigeait impérieusement. Si les rôles d’hommes, joués par des femmes, ont quelque chose d’étrange et de repoussant, ceux de femmes ne perdent guère moins à la transposition contraire. Malheureusement les grandes voix féminines sont fort rares, et les jeunes lauréats, en pareille occasion, se voient presque toujours contraints d’avoir recours aux ténors qui le sont un peu moins. Quoi qu’il en soit, le succès de M. Boisselot n’a pas été douteux un seul instant. Un tel élève fait honneur au grand maître qui l’a formé ; et malgré toute l’imperfection du mode de concours, nous avons peine à croire que M. Boisselot n’ait pas largement mérité le prix qu’il a obtenu.
Avant la cantate, on a exécuté un duo italien de M. Thomas, lauréat de 1832, et une ouverture de M. Villers, élève de M. Berton. Ce dernier ouvrage fait regretter que le maître lui-même ne se soit pas chargé cette fois de fournir une ouverture. Celle de Montano, par exemple, ou, dans un autre genre, l’admirable marche nocturne des troupes romaines, au troisième acte de Virginie, sont de belles compositions instrumentales que le frivole public oublie peut-être, mais que les vrais amis de l’art entendront toujours avec le plus vif intérêt.
[…] Mais je suis loin de regarder le duo en question comme un morceau d’après lequel on puisse juger M. Thomas ; c’est une de ces partitions qu’on appelle Envoi de Rome, et que les lauréats n’écrivent jamais qu’à contre-coeur, par cela même que le règlement les oblige à les écrire. Seulement celle-ci est faite avec infiniment plus de conscience et de talent que les élèves n’en mettent d’ordinaire à remplir leur tâche académique […].
H. BERLIOZ
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publication date : 17/10/23